Le blog de florentin

Desin de Krutikof

Rêver aux papillons

Hier encore j'étais en Assemblée Générale. C'est devenu une habitude ! Je crois que j'appartiens à trop d'associations. Elles me mangent le temps ! Faudra que j'avise ! Je me suis donc confortablement installé, prêt à écouter, avec docilité, ce que les orateurs désignés et responsables avaient à nous dire. Ce qui est remarquable, lors de ces grand-messes, c'est que ces bavards s'écoutent souvent parler, flattés de leurs propres mots. Sans s'apercevoir qu'ils finisssent par nous endormir au sens littéral du terme. Et c'est ce qui m'est arrivé. Enfin presque. Au bout d'un temps, je me suis demandé où j'étais. J'avais perdu le fil du discours, sans doute parti à la chasse virtuelle aux papillons. Bon, c'est vrai, ce n'est pas toujours comme ça. Il y a des AG où ça pète, où on s'insulte, où on se bat à coups d'arguments de bas étage. C'est évidemment plus rigolo et, là, je reste éveillé, les papillons n'ont qu'à aller se faire voir. Pas le temps de rêver. J'aime bien compter les points. Sadique, le Flo, je vous dis

Dessin de David Farley

Grisaille

"On ne regarde plus les infos à la télé, sinon on se suiciderait !" C'était dit sous forme de boutade, mais cela correspondait tout de même à un ras-le-bol fatigué du spectacle donné par ce monde qui s'en va à vau-l'eau. Hier midi, j'ai repensé à ce que me disait donc ce dimanche ma frangine, qu'on avait invitée à manger. La "Une", au journal de la mi-journée, déclinait alors une litanie interminable de mauvaises nouvelles : répression meurtrière des manifestations en Lybie, seisme en Nouvelle Zélande, augmentation inflationniste du gaz et des carburants, retrait d'une tenancière de café, lasse des onze braquages subis en un an, rappel du drame vécu des condamnés d'Outreau. J'ai éteint la télé avant d'aller au bout du journal. Il y en avait assez pour mon compte. Quelle tristesse ! Mais, bon, allez, le printemps arrive et, avec lui, le soleil et le ciel bleu. Secoue-toi, Flo ! Et regarde autour de toi. Il y a forcément du beau quelque part !

- L'Europe, c'est minuscule. Tu fais quatre cents bornes, t'es déjà en Turquie !
- Le château de Versailles, il est pas loin de la poste.
- Les Américains ont marché sur la lune ; un Marseillais, lui, il se serait assis !
- Tu parles d'un animateur de vente ! En te parlant, il se gratte les couilles !
- C'est rien le RMI, en une semaine, c'est bu !
- La médecine fait des bonds, mais le malade, lui, il reste toujours au lit ...
- Le foot féminin, vous verriez, elles courent comme des oies.
- On peut foutre le feu. Mais les inondations, c'est rare que ce soit criminel ...
- Et mon glaçon ? Dis donc, ça suit pas la logistique !
- Ca fait moins pochetron d'aller au bistrot en casquette, ça fait tradition ! 

Le père est parti. Elle est restée toute seule avec sa fille, un bébé de quatorze mois, et tente, malgré sa douleur de l'élever au mieux. Ce n'est pas facile. Elle culpabilise et se sent maladroite, face à une enfant qui va grandir, particulièrement turbulente, et qu'elle ne comprend pas toujours. Comment répondre en effet au flot de questions qu'elle pose ? "Comment que tu t'es quittée avec papa ?", "Quand on est grand, la vie, c'est mieux ?", "Pourquoi, avec tous les hommes sur terre, y'en a pas un pour toi ?", "C'est quoi, les couilles ?", "Dieu, il existe ou non ?", "Tu m'aimes, dis, tu m'aimes ?", etc. Ce livre projette le film d'une existence difficile, celle, classique, d'une vie en famille mono-parentale. Avec le quotidien qu'on imagine : ici, le  souvenir lancinant du clash de la séparation, une réconciliation conjugale aussi douloureuse qu'éphémère, des vacances ratées avec le père de nouveau revenu pour l'occasion,  une scolarité de l'enfant pour le moins chaotique, les visites chez la dame "psy", les soubresauts d'une fillette qui ne cesse de s'opposer. Parce qu'au total, elle veut surtout et absolument qu'on l'aime. Cette histoire est un récit juste et vrai, dépouillé, plein d'émotion et de drôlerie. Une histoire d'amour intense et unique. 

Je suis désolé. Vraiment. Je ne serai pas là aujourd'hui.

Le devoir m'appelle. Au loin.

Je sens comme une petite larme perler au coin de vos yeux.

Rassurez-vous et rangez vos kleenex.

Dès demain, ou peut-être ce soir, j'irai frapper à vos portes.